Avalée !

L’intuition…ce petit quelque chose d’à peine perceptible.

Je n’ai plus que quelques pièces dans mon portefeuille,  je n’ai pas besoin d’argent liquide ce soir, cela peut attendre lundi. En même temps, je sors tout juste du métro et je passe devant mon distributeur habituel.

Il y a un tout petit quelque chose qui me retient, un infime pressentiment qui me murmure que ce n’est pas le moment, que je ne dois pas le faire. Si je le fais, c’est plus pour braver cette petite voix trop raisonnable que par nécessité. Je n’ai pas besoin d’argent à cet instant précis.

Je regarde autour de moi, tout est tranquille, j’introduis ma carte, tout se passe bien, je tape le montant que je veux retirer, j’indique que je ne veux pas de ticket. Ma main s’approche de la fente, déjà prête à reprendre ma carte, c’est plus long que d’habitude, ce n’est pas normal. Les signaux d’alarme dans ma tête clignotent « On te l’avait bien dit que ce n’était pas le moment ». Un message, suite à un dysfonctionnement le distributeur ne peut pas me rendre ma carte. Il n’en dira pas plus sur la nature du dysfonctionnement…Maladroitement, je m’esquinte les ongles en essayant de la récupérer mais elle est déjà partie, dans un monde inconnu, de l’autre côté du distributeur, dans cette agence fermée le dimanche.

Je reste hébétée, démunie. D’autres messages sur l’écran qui tournent en boucle, un numéro pour faire opposition. Le numéro reste deux secondes à l’écran, je dois attendre plusieurs passages des messages pour le mémoriser. Toujours prostrée devant le distributeur, j’appelle, une voix électronique indique tout un tas de numéros à taper…on ne peut parler à une vraie personne que si on est client VIP de la banque. Je ne suis pas VIP mais là j’ai vraiment besoin de parler à quelqu’un alors j’appuie sur le bouton VIP. La jeune-femme est charmante, elle m’apaise, elle va faire immédiatement opposition sur ma carte et j’en aurais une nouvelle très bientôt. Elle me demande mon numéro de portable, la confirmation d’opposition va arriver par SMS d’ici quelques minutes. Il ne m’en coûtera rien évidemment, ma banque chouchoute ses clients VIP, je dois lui avouer que je ne suis pas sûre d’être une VIP (en fait je sais très bien que je ne le suis pas).

C’est quasi imperceptible, à peine une demi-seconde où elle se demande ce qu’elle va faire face à cette usurpatrice qui aurait dû poireauter dans une boîte vocale au lieu de forcer le passage jusqu’à une voix humaine réservée aux VIP. « Elle est de quelle couleur votre carte ? », « Elle est verte ». Elle n’est ni dorée ni noire, un petit vert modeste mais elle ne me raccroche pas au nez. Le SMS arrive dans la foulée et je peux quitter mon poste devant le distributeur, je n’en ai plus rien à faire de cette carte avalée, avec l’amie des VIP nous l’avons anéantie !